Association d'Aide aux Familles en Difficulté

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La lettre de l’AAFD
L’Association d’Aide aux Familles en Difficulté du Val de Saône

 N°2, mars 2017

                           Un toit pour tous

Comme nous  l’écrivions dans notre première lettre d’information, notre association (AAFD : Association d’Aide aux Familles en Difficulté) est de plus en plus souvent confrontée à la question du logement. Comment en effet remplir nos missions premières (accompagnement scolaire et administratif des réfugiés) si ces familles n’ont pas de toit ?

 
C’est ainsi qu’avec l’aide des bénévoles, d’autres associations et de plusieurs communes du Val de Saône  de plus en plus impliquées à nos côtés, nous sommes amenés à payer quelques nuits d’hôtel à des familles à la rue pour qu’elles puissent se reposer un peu. Des solutions sont parfois trouvées chez des particuliers qui acceptent d’accueillir une famille pour un temps limité, dans une chambre, un camping car, sous une tente ou encore dans le parc locatif lorsque les conditions financières le permettent. Mais c’est insuffisant. Des familles avec enfants se retrouvent littéralement à la rue et nous ne pouvons pas l’accepter.
 
Nous avons rejoint, durant l’année 2016, la Coordination Urgence Migrants qui regroupe bon nombre d’associations comme la nôtre qui tâchent de résister au discours politique ambiant et agissent concrètement. Nous sommes persuadés en effet qu’avoir un TOIT est un préalable permettant ensuite d’entreprendre les autres démarches d’insertion : régularisation, recherche de travail, accès aux soins et surtout scolarisation.
 

Face au désengagement de l’Etat la solidarité actuelle atteint vite ses limites (hébergements solidaires chez l’habitant, occupations d’écoles, actions en justice pour faire applique la loi DALO, - Le droit au logement opposable qui vise à garantir le droit à un logement décent et indépendant à toute personne qui n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir -  etc…). Il est nécessaire de rechercher d’autres perspectives en prenant appui sur les expériences en cours, en France ou ailleurs.

Un TOIT pour TOUS (l’un des deux groupes de travail de la Coordination Urgence Migrants) suggère de travailler à l’ouverture de lieux (maisons, usines, friches) comme l’on fait et comme le font des groupes de squatteurs qui, après avoir ouvert un lieu, accueillent des migrants, mais également d’autres « sans toit », pour partager le squat. Nous pouvons venir en renfort sur ces actions notamment en nous aidant à répertorier les bâtiments vides.
 
Diverses personnes souhaitent initier l’ouverture d’un centre d’hébergement sur le Val de Saône en s’appuyant sur toutes les associations humanitaires. Nous voulons aider ce projet à se monter rapidement et comptons sur toutes les bonnes volontés.
 
L’association Habitat St Roch permet à plusieurs familles immigrées de trouver un lieu où reposer le temps de leurs démarches.
 
L’initiative des jésuites « Welcome » nous  inspire également : invitation aux particuliers à ouvrir leur maison pour un temps déterminé, contractualisé.
 
Par ailleurs nous pensons que des femmes seules ou avec un ou deux enfants pourraient rendre de grands services à des personnes âgées ou malades leur permettant de rester chez elles en contre partie du toit offert.
 
Certaines de nos communes sont déjà mobilisées sur ces questions, notamment Fontaines-Saint-Martin, Fontaines-sur-Saône, Neuville-sur-Saône, St Romain-au-Mt d’Or, Couzon-au-Mont d’Or et sur la prise en charge des cantines scolaires des enfants de nos familles. Nous les remercions de leur collaboration…
 
…Et nous comptons très fort sur chacun de vous pour aider à trouver un logement décent pour chaque famille que nous accompagnons. Tous ensemble nous pouvons y arriver !

Que dit la loi ?
 
Art 345-2-2 du Code de l'Action Sociale et des Familles : « Toute personne sans abri  en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès,  à tout moment à un hébergement d’urgence »
 
Art  345-2-3 : « Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d'hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation. »

C’est à côté de l’école
 
Nous sommes sortis, avec mes parents et mon petit frère, du Cada de Fontaines St Martin, en octobre 2014. Pendant 7 mois, nous avons vécu dans un squat à Perrache où on a passé des moments très difficiles (…) Une chambre pour 4 ; des toilettes cassées et sans eau ; une salle de bain toute cassée et des rats dans la baignoire. Juste de l’eau froide. On allait à Debourg pour se doucher. (…) Pas de lumière. On dormait par terre sur des cartons. Tous les soirs, la police venait pour nous demander des documents. On avait peur. Dehors, il y avait des gens qui se battaient. Tous les matins, on se levait à 5h, parce que l’école était loin. On faisait nos devoirs à la bougie, par terre.
 
Après on a demandé de l’aide à l’AAFD. Il y a eu beaucoup de lieux différents,  plus ou moins loin de l’école. On a été 2 semaines dans une maison à Albigny, puis 6 jours chez Sylvie. On est ensuite restés 5 mois dans un appartement à Fleurieu, chez le fils d’Annie qui était en voyage. L’AAFD nous a alors payé 4 nuits d’hôtel. Ensuite, on est allé 12 jours dans un autre appartement à Fontaines S/S. Puis chez Madeleine, aux Marronniers, pendant 1 mois ½.Puis à Rillieux pendant 3 mois. Et enfin chez Marie-Claude et Gérard pendant un mois. Depuis un an, nous sommes chez Isabelle et Thierry à Fontaines St Martin. On n’a jamais été aussi longtemps au même endroit….et c’est à côté de l’école.
 
Un grand merci à l’AAFD qui nous a beaucoup aidés.

Je remercie…
 

 
Je m’appelle Gezim. Nous sommes venus en France avec ma femme et nos 2 enfants, en avril 2013. Nous avons fait une demande d’asile, mais elle a été rejetée. Nous sortons du CADA le 31 mars 2015.
 
Nous sommes allés dans un squat à Perrache pendant 2 semaines. C’était difficile car il n’y avait pas d’eau chaude, pas d’électricité, pas de gaz, pas de cuisine. Juste une chambre. Il y avait beaucoup de monde qu’on ne connaissait pas et qui faisait beaucoup de bruit. On ne sortait pas de la chambre.
 
Un jour, la police est arrivée à 6h du matin pour mettre tout le monde dehors. Je ne peux pas oublier ! Ils nous ont dit : « Vous avez 15 mn pour sortir », les enfants dormaient encore. On est sorti et on a passé toute la journée dans la rue.
 
Grâce à un prêtre, on est allé dans un gymnase à Fourvière pendant 5 jours. C’était difficile, il y avait beaucoup de monde, 50 familles. Pour dormir, il y avait du bruit, il faisait très froid et on n’avait pas assez de couvertures.
On a connu l’association AAFD. Elle nous a proposé d’aller 2 semaines chez Madeleine, avec une autre famille. On était dans une maison avec cuisine, salle de bain, jardin. Je remercie l’association et Madeleine.
 
Ensuite l’association nous propose d’aller chez une autre famille (Isabelle et Thierry). Là nous sommes restés plus de 7 mois. On avait 2 chambres, une salle de bain, une petite cuisinière.  On était bien avec eux. Ils sont très gentils. On mangeait ensemble dehors ou chez eux, ils nous ont emmenés en vacances dans leur maison de campagne.
 
En novembre 2015, le 115 que nous appelions tous les jours, nous propose un hôtel à Meyzieu. 2 chambres, il n’y a pas de cuisine, juste une micro-onde à la réception, et surtout c’est loin de l’école. Mais nous acceptons. Nous y restons 1 mois, Puis le 115 nous a donné une chambre à l’hôtel de Fontaines. C’est plus près de l’école. C’est toujours impossible de faire la cuisine. Il y a beaucoup de bruit dans les autres chambres jusqu’à 2h du matin.
 
Maintenant, depuis le 18 janvier 2016, nous sommes dans un appartement à Rochetaillée, avec l’Armée du Salut. On est très bien, on est chez nous. C’est une chance !

Nous remercions toutes les associations qui nous ont aidés pour avoir un toit. On n’a toujours pas de titre de séjour, ni le droit de travailler….

Obligés de dormir dehors


J'ai 18 ans. Je suis arrivé en France le 21 juin 2012, avec ma famille pour demander l'asile politique. Au début, nous avons été hébergés par plusieurs structures….Jusqu'au 27 janvier 2014.
 
Nous avons reçu une réponse négative de la CNDA à notre demande d’asile et avons été obligés de quitter le Cada ADOMA de Fontaines St Martin. Nous nous sommes retrouvés à la rue, sans rien ! Malheureusement nous n'avons pas de la famille en France.
 
Avec l'aide de notre ancienne directrice du Cada ADOMA, nous avons contacté Sylvie, membre de l'association RESF et de l’AAFD. Nous avons fait le point sur notre situation. Elle a accepté de nous prendre en charge et de nous aider. Avec son aide, nous avons dormi à Fontaines Saint Martin, dans la salle de la mairie pendant une semaine.
 
Ensuite, Sylvie très sympa, nous a installé une toile de tente sur son terrain. On pouvait faire un peu de cuisine avec un réchaud. On avait fait un trou pour les WC… Une source, mais pas de douche pour nous laver le matin. Il y a des jours où j'ai porté des habits sales, j'avais honte devant mes camarades. Le matin en allant à l'école, nous avions mal au dos.

Moi et mon frère nous ne pouvions pas faire nos devoirs, nous étions obligés de rester au collège pour les faire. La nuit, des souris  nous montaient dessus. Ma mère ne le supportait  C'était très difficile avec le froid. Quand  il pleuvait et qu’il y avait des orages, Sylvie nous faisait rentrer dans sa maison pour dormir. Des jours où elle nous emmenait et nous ramenait du collège, mon frère et moi….
 
Pendant le grand froid, nous avons demandé aux voisins qui étaient très gentils avec nous de faire un peu du feu pour nous réchauffer. Malgré les maladies de ma mère et de mon frère nous étions obligés de dormir dehors. Les voisins ils étaient très sympas avec nous ; pour notre départ ils nous ont tous fait des attestations de gentillesse pour la préfecture.
 
Presqu’un an ainsi…
 
Jusqu'au soir de novembre 2015 où le 115 m’a appelé. Nous avons été hébergés par le 115, dans un hôtel à Rillieux-la-Pape. Maintenant nous sommes à Vaulx-en-Velin dans un appartement et nous attendons que notre situation administrative se régularise.
 
Nous remercions le RESF, l’AAFD et Sylvie qui étaient toujours à nos côtés.

De bons moments ensemble
 
Le 31 mars 2015 nous nous sommes trouvés dans la rue. Ma femme, nos 2 enfants de 4 et 2 ans, et moi. Ma femme, elle était gravement malade mais aucune solution par le 115. Nous avons dormi dans notre voiture ou parfois au foyer Adoma, par terre, dans le couloir. Jusqu’au 22 avril…
 
Grâce à l’association AAFD nous avons rencontré Françoise et Gérard et leur générosité : ils nous ont hébergés chez eux pendant 9 mois.
 
Nous avons passé de beaux et bons moments ensemble. Nous avons fêté des anniversaires, fait des promenades…
 
Puis grâce à l’association, qui loue un appartement à St Romain au Mt d’Or, nous sommes chez nous.
Nos enfants ont changé d’école.

Une découverte positive
 
En décembre 2015 en apprenant par l’AAFD qu’une famille avec deux enfants allait se retrouver à la rue nous avons mis à disposition une chambre avec douche. Ils partageaient avec nous la cuisine et les toilettes.
 
Lors de ce premier hébergement nous avons eu le plaisir d’échanger sur nos coutumes respectives : eux les Albanais, nous les Français. Ayant l’âge d’être leurs parents et grands-parents le relationnel  était amical  dans le respect du rythme de vie de chacun.
 
Ce fut pour nous une découverte positive et que nous avons renouvelée avec d’autres familles : Kosovare et Arménienne. A chaque fois c’est un enrichissement humain, mais aussi un déchirement de voir leurs difficultés à faire face au quotidien avec les enfants en attendant d’être régularisées.
 
Combien de familles sur le Val de Saône ?
  • 3 familles, composées de femmes seules et de 5 enfants, sans aucune solution,
  • 6 familles (11 adultes et 12 enfants) prises en charge à l’hôtel cet hiver par le 115,
  • 12 familles (22 adultes et 33 enfants) prises en charge par le 115 depuis au moins l’hiver dernier en hôtel ou appartement,
  • 5 familles (9 adultes et 14 enfants) sans solution, prises en charge par les associations et les familles accueillantes. 
  • Fuir son pays, ce n’est pas rien
     
    Accueillir des étrangers ? Pour moi, cela remonte à très loin, à mon enfance.
     
    D'Algérie arrivent des hommes seuls, que je vois sur les routes, cramponnés à leurs marteaux-piqueurs. L'hiver, ils meurent de froid dans des cabanes. Le journal est plein de ces histoires. Insupportable. Je voudrais pouvoir faire quelque chose ... et ne peux que leur donner un sourire quand je les croise dans la rue.
     
    1973, coup d'Etat au Chili. L'espoir d'un monde meilleur est étouffé dans le sang. Des réfugiés chiliens, nombreux, sont accueillis en France. Ils sont logés et obtiennent très vite leur statut de réfugiés. Reste à les aider à trouver leur place dans notre pays. Nous recevons une famille, puis une autre et encore une autre avec lesquelles nous restons amis. Les coups d'Etat se succèdent en Amérique latine. Arrivent d'autres réfugiés. La proximité de la langue avec les premiers leur permet d'arriver chez nous : il s'agit de les  aider à rédiger leurs demandes d'appel pour obtenir l'asile politique. Pas d'argent pour l’avocat. Une première demande  rédigée par un compatriote qui dominait bien mal le français, pleine d'incohérences. Je réalise combien il suffit de peu de choses pour que, malgré le désir de bien faire, le vécu d'un être soit déformé avec les conséquences que cela entraine.
     
    Vint la guerre de Yougoslavie. Pour nous qui avions été par deux fois dans ce pays et avions aimé l'impression du « vivre ensemble » de ces populations, ce fut un déchirement. D'autres guerres et encore d'autres guerres, dans ce Moyen orient, dans cette Afrique ou notre présence est trop souvent peu (ou trop) claire.
     
    Et dans ce même temps, « la crise » se développe, entrainant dans son sillage trop de xénophobie, comme l'ont toujours fait les crises. Alors le droit d'asile se rétrécit. Une famille à qui a été refusé le statut de réfugiée est mise à la porte de son centre d'accueil et se retrouve à la rue. Mais comment retourner dans un pays qu'elle a fui car sa sécurité, celle des adultes, des enfants  n'était plus assuré ?  Fuir son pays, ce n'est pas rien et il faut avoir de très sérieuses raisons pour le faire.
     
    Pour nous, comment accepter que cette famille rencontrée à deux pas de chez nous puisse dormir dans la rue ? Insupportable.
     
    Accueillir chez soi une famille c'est bien sûr accepter certaines contraintes, mais c'est finalement bien plus facile qu'on ne le croit. C'est connaître de nouvelles  cultures, de nouveaux récits, c'est apprendre à se comprendre, c'est comprendre que le « a » ou le « u » par exemple ne se prononcent jamais de la même façon dans les différentes langues. C'est nouer des relations privilégiées avec ces enfants qui apprennent si vite notre langue et servent d'interprètes à leurs parents ; ces enfants qui portent tout le poids des souffrances, des détresses de leurs parents et qui font preuve d'un si fort désir de vivre, et pour cela de vivre chez nous, avec nous. Ces enfants conscients que de leur réussite scolaire dépend la possibilité d'obtenir une carte de séjour… un jour.
     
    Durant ces dix dernières années nous avons accueilli 10 familles pour des périodes plus ou moins longues. Nous laissons à la famille notre clef que nous soyons là ou en vacances et n'avons jamais eu à nous en repentir, tout au contraire. C'est une bonne protection contre le vol !
     
    Et pour nous qui sommes devenus si vieux, ces familles nous apportent une présence précieuse quand l'un de nous est absent ou malade.
     
    Mais cela reste et doit rester une solution provisoire car le bonheur pour ces familles c'est bien d'avoir un petit « chez soi » afin de pouvoir vraiment commencer une autre vie dans notre pays. « Un toit est un droit ».

     



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